Transformations du canton de 1830 à 1845

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Gouvernement performant – Instruction publique : fondation de l’Ecole normale, réorganisation des écoles primaires ; création du Collège cantonale – L’académie florissante – Loi sur la presse – Loi de 1832 sur la liberté religieuse – Fête des Vignerons 1833 – Analyse de la Constitution de 1845 – Proclamation du 29 juillet 1845 – Les ministres récalcitrants – Jugement du Conseil d’Etat – Réunion pastorale à l’Hôtel de ville de Lausanne – Les pasteurs démissionnaires – Rigueurs gouvernementales – Eglise libre vaudoise.


 « A aucune époque de sa courte histoire, le canton de Vaud ne posséda un gouvernement de capacité théorique aussi distinguée que celui de la période de 1830 à 1845… Ces hommes-là ont aboli le cens électoral, donc créé une démocratie. Ils furent chez nous les auteurs du gouvernement du peuple par le peuple » Citation de Paul Chapuis.

L’Instruction publique

s’est sont beaucoup développée dans le canton de Vaud entre 1830 à 1845. On crée, on modifie, on améliore ; les programmes sont étendus, complétés ; l’enseignement s’organise sur des bases pédagogiques plus solides.
Le 19 février 1833, un arrêté du Conseil d’Etat instituait à Lausanne, sous le nom d’Ecole normale provisoire, un établissement « destiné à offrir des moyens d’instruction aux citoyens qui exercent la profession de régents dans les écoles primaires du canton, ainsi qu’aux jeunes gens qui se proposent d’embrasser cette carrière ». L’enseignement comprit, dès l’abord, la pédagogie, la religion, la lecture, l’orthographe et la grammaire, la tenue de comptes et les éléments de la géométrie, du toisé, de l’arpentage et de la mécanique, le dessin linéaire ; la géographie du canton de Vaud et de la Suisse, les éléments de la géographie générale et de la sphère ; la physique, des notions d’agriculture ; l’histoire et particulièrement l’histoire du canton de Vaud et de la Suisse, l’instruction civique et le chant. ecole-normale-lausanneLes élèves régents doivent être vaudois, avoir communié, posséder une bonne constitution physique, produire un certificat de bonnes mœurs, subir un examen satisfaisant sur les objets enseignés dans les écoles primaires.
L’école ouvrit le 2 septembre et les cours de septembre et octobre furent réservés aux régents en fonctions qui y assistèrent au nombre de quarante-six.
Cette création devait avoir pour effet direct la réorganisation des écoles primaires. Le programme d’enseignement fut augmenté de quelques branches nouvelles par une loi de 1834 ; cette même institution institua des écoles de filles dans lesquelles les maîtresses enseignent les ouvrages du sexe féminin et l’économie domestiques ; elle décida encore la création d’écoles moyennes et industrielles qui répondaient au besoin universellement senti d’avoir un enseignement secondaires, non seulement classique, mais aussi industriel ; enfin l’obligation de fréquenter les écoles étant maintenue pour les enfants de sept à seize ans, on commença à se préoccuper des enfants en bas âge : les enfants de cinq ans purent, sur la demande de leurs parents, être admis aux écoles primaires. La même année 1834 vit se fonder, à Aigle, une école enfantine, la première à fonctionner dans le canton. Pour répondre à l’esprit de cette loi qui prescrivait l’extension des études classiques, le Conseil d’Etat élabora un projet de loi créant un Collège cantonal (1837). Les élèves du Collège cantonal (Gymnase vaudois) portèrent naturellement un uniforme et furent astreints aux exercices militaires. Ceci est sans doute inspiré par l’organisation quasi militaire des lycées français. Cependant, les jeunes milices n’étaient point nouvelles en Suisse où, dans les cantons alémaniques, au siècle passé, les écoliers s’exerçaient au maniement des armes. On raconte même qu’en 1798, les « Orphelins » de Berne prirent part au dernier combat livrés sous les murs de Berne à l’armée de Schauenburg.
Quoi qu’il en soit le nouveau Collège adopta pour ses élèves un costume spécial (1841) : capote verte, fort longue, shako avec visière droite, chaînette et pompon.


Les libertés de la presse et religieuse

Un pareil développement intellectuel ne pouvait progresser et porter des fruits sans la liberté de la presse et la liberté religieuse. La Constitution de 1831 proclamait la liberté de la presse, tout en prévoyant une loi qui en réprimanderait les abus. Cette loi fut promulguée le 26 décembre 1832. Celle-ci ordonnait le dépôt à la Chancellerie de tout écrit imprimé dans le canton et soumettait les journaux périodiques au cautionnement et à la déclaration préalable. La censure était donc abolie et les pleins pouvoirs que le précédent gouvernement avait tant abusé vis-à-vis de la presse, disparaissaient à jamais. En somme, toute incomplète qu’elle fut, cette loi comblait un vide et sanctionnait le principe de la liberté contenu dans la Constitution.
Celle-ci n’avait point admis le même principe en ce qui concerne les cultes ; et nous avons vu qu’elle repoussait la liberté religieuse et celle de l’enseignement. Malgré cela, dès 1831, quelques dissidents purent organiser un service religieux régulier à Lausanne et à la fin de cette même année, ils étaient déjà près de cinq cents dans le canton de Vaud, avec seize églises dirigées par huit pasteurs, on les laissait en repos.

Cependant, des actes regrettables se manifestèrent à Yverdon (1832) et à Vevey (1833); dans cette dernière ville, ils eurent pour prétexte les danses de la Fête des Vignerons 1833 auxquelles prenaient part de jeunes catéchumènes de l’Eglise nationale. Un ministre ayant voulu faire observer à des jeunes filles l’inconvenance de répéter avant l’heure du catéchisme les airs et les danses qu’elles avaient appris, cette réprimande fut une occasion de désordre. Des individus ne trouvant pas le pasteur, ils assouvirent leur rage sur son chef, qui faillit être étranglé !
Ces faits appelèrent l’attention du gouvernement qui comprit le danger et une nouvelle loi de 1834 sur la liberté religieuse entra en vigueur. Le mariage civil, qui fut institué la même année, permit aux dissidents de s’unir devant le juge de paix et de faire bénir ensuite leur mariage par un pasteur.
On eut pu croire que dès lors les querelles au sujet du culte seraient terminées. Il n’en fut rien malheureusement. Déjà, cinq ans après l’arrêté de 1834, une loi ecclésiastique nouvelle vint jeter le mécontentement au sein du clergé national.


Constitution 1845
Constitution 1845

Nouvelle Constitution
Il fallut attendre le 29 juillet 1945, le Conseil d’Etat adressait aux citoyens vaudois une proclamation visant l’acceptation ou le refus d’une nouvelle Constitution avec les points principaux suivants :
– Les droits de citoyen actif, qui comprennent les droits électoraux et la possibilité de voter dans les assemblées du cercle et de la commune dès l’âge de vingt-un ans révolus, au lieu de vingt-trois ans dans l’ancienne constitution (art.16). A la condition qu’ils remplissent les conditions suivantes (art. 17) :

  • Pour le Vaudois : 1. Etre bourgeois de l’une des communes du canton ; 2. Etre domicilié dans le canton depuis trois mois
  • Pour le Confédéré : 1. Etre ressortissant d’un canton qui accorde aux Vaudois l’exercice des droits politiques ; 2. Etre domicilié dans le canton de Vaud depuis 1 an.
  • En revanche, n’étaient pas citoyens actifs, ceux qui avaient fait faillite et les personnes privées de droits civiques.
  • Les assistés ne seront plus exclus de ces assemblées, afin que tous ceux qui portent les armes pour la défense de la patrie participent aux droits de la famille vaudoise.

La Constitution de 1861 abaissa la majorité politique à vingt ans (art. 24). Le Vaudois était citoyen actif s’il avait son domicile dans le canton depuis trois mois, le Confédéré, s’il l’avait depuis un an. Les exceptions antérieures étaient maintenues.

La nouvelle constitution posait ainsi les bases d’une réforme dans l’administration de la justice en déterminant par une loi prévoyant les attributions, les compétences respectives et l’organisation des autorités judiciaires. Enfin elle instituait le jury en matière criminelle.


Organisation du Grand Conseil
Elle demeurait la même sauf quelques changements réglant la durée des fonctions qui passe de cinq à quatre ans, l’indemnité accordée aux membres, le droit d’assemblée extraordinaire lorsque trente conseillers en prennent l’initiative ; enfin, la suppression du droit de veto accordée jadis au Conseil d’Etat.

Organisation du Conseil d’Etat
En ce qui concerne le pouvoir exécutif, la durée des fonctions fut réduite de six à quatre ans. Le renouvellement se fit par moitié tous les deux ans, afin que le Grand Conseil, sorti des élections populaires tous les quatre ans, pourra, dans la première année de la nouvelle législature, changer ou maintenir la majorité du Conseil d’Etat, et renouveler les quatre autres membres deux ans plus tard. On espère que, par ce moyen, il y aura toujours une harmonie entre la majorité du Conseil d’Etat et celle du Grand Conseil.

Proclamation du 29 juillet
Le Grand Conseil et le Conseil d’Etat publièrent le texte suivant pour faire accepter cette Constitution :
« Le Grand Conseil et le Conseil d’Etat, très chers concitoyens, veulent le bien du pays. Toutes les contrées sont l’objet d’une égale sollicitude et, quoique le gouvernement soit uni, il n’y règne aucune tendance exclusive. Le gouvernement veut la justice pour tous, sans aucune exception de personne ni de parti ; il veut la modération , tout comme il saurait maintenir l’ordre public avec vigueur, si l’on tentait de le troubler ».
Telle était, en ces parties essentielles, la proclamation du 29 juillet 1845. Le Conseil d’Etat, désirant lui donner la plus grande publicité possible, ne se borna point à la faire afficher, mais chargea les pasteurs « à lire ou de faire lire » en chaire, le dimanche 3 août, l’appel du gouvernement.


Ministres récalcitrants et Jugement du Conseil d’Etat
Quarante d’entre eux environ protestèrent contre l’illégalité de cet ordre et se refusèrent à l’exécuter, s’appuyant sur la loi du 23 mai qui abolit ce genre de lecture dès la chaire. Mais le Conseil d’Etat répondit par une circulaire dans laquelle il considérait sa proclamation comme contenant des choses sérieuses, des choses religieuses, lesquelles pouvaient et devaient être lue en chaire. Il concluait donc en accusant d’insubordination les pasteurs récalcitrants et annonçait sa ferme intention de ne pas laisser un pareil acte impuni. Suivant la procédure de l’époque, le pouvoir exécutif déféra les accusés aux quatre classes ou assemblées de clergés. Toutes, à l’unanimité, prononcèrent la non culpabilité. A cet arrêt, le Conseil d’Etat riposta par son jugement du 3 novembre qui suspendait pour des durées de un mois à un an, quarante-deux pasteurs et suffragants.

Réunion pastorale et rigueurs gouvernementales
Le 11 et 12 novembre, une assemblée ecclésiastique vaudoise tint séance à l’Hôtel-de-Ville de Lausanne et, après deux jours de délibérations fort sérieuses, cent quarante-huit pasteurs et ministres de l’Eglise nationale envoyèrent au Conseil d’Etat leur démission conditionnelle.
Le Conseil d’Etat répondit à cette démission par une nouvelle proclamation dans laquelle il déclarait que le gouvernement saurait bien « prendre des mesures énergiques pour maintenir l’union constitutionnelle de l’Eglise et de l’Etat, et quelques jours plus tard le Grand Conseil autorisait le pouvoir exécutif à déroger à la loi ecclésiastique de 1839 et aux lois relatives à l’instruction publique et celles touchant la tenue des registres de l’état civil. Le Conseil d’Etat était nanti de pleins pouvoirs touchant les oratoires et assemblées religieuses en dehors de l’Eglise nationale.
Tôt après, une circulaire gouvernementale annonçait aux pasteurs démissionnaires qu’il était disposé à recevoir leurs rétractions jusqu’au 4 décembre 1845. Le nombre de pasteurs qui profitèrent de ces offres s’éleva à trente-six. Les autres furent alors destitués.
A fin décembre, le nombre total de démissionnaires était de cent quarante-sept, tandis qu’il n’y avait pour desservir l’Eglise de l’Etat que quatre-vingt dix-neuf pasteurs et ministres.
Il est inutile d’ajouter que parmi ces cent quarante-sept pasteurs se forma le noyau du clergé qui fonda l’Eglise libre vaudoise et la desservit à ses débuts.
La réconciliation n’eut donc jamais lieu et ces faits constituèrent en quelque sorte le second et dernier acte de la révolution de 1845.

« Comme dans toutes les heures troublées de l’histoire, les partis en lutte se disputaient la prime des fortes épithètes. C’était à qui chargerait l’adversaire du mot le plus malsonnant. Lorsque l’on relit les documents de l’époque, on sourit presque de tant de violences. On ne sait trop, au premier abord, si la politique y inspire la religion ou la religion la politique tant les causes débattues sont injectées de préoccupations d’un autre ordre ».


Sources et références :
Charles Baupprécis des faits relatifs à la démission des pasteurs.
Auguste Paccauddu régime de la presse en Europe et aux Etats-Unis
Jean-François CharlesL’enseignement secondaire supérieur du XIXe siècle à 1960
Christian Gilliéron – Notice historique sur les écoles normales du canton de Vaud
Enseignement secondaire

Lien vers la   Constitution du Canton de Vaud – 1845

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