Les préludes de la Révolution – suite

Rolle le banquet
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Les événements se précipitent en France – On discute dans le Pays de Vaud – Patriotes et aristocrates – Les émigrés – la fête du 14 juillet 1792 – Cérémonie à Ouchy, banquet à Rolle – Amédée de la Harpe et le complot – Berne s’émeut et nomme une commission d’enquête – Arrestation de MM. Rosset et Müller de la Mothe – Émeute à Lausanne – Occupation bernoise – La cérémonie de soumission au Champ de l’Air – Coalition européenne contre la France – Le 10 août – Mort de Louis XVI – Mme de Stäel à Coppet – Bonaparte en Italie.

C’est de France que le vent allait souffler, lequel provoquerait dans le Pays de Vaud quelques incendies. Les nouvelles de Paris, malgré la surveillance de Berne, arrivaient toujours sur les bords du Léman et paraissent d’autant plus attrayantes quelles constituaient. Deux partis se formaient, discutant la politique révolutionnaire et se plaçant les uns du côté du roi et les autres du peuple. Dans un moment d’excitation patriotique, le 14 juillet 1791 fut fêté l’anniversaire de la prise de la Bastille. A Lausanne, la fête eut toutes les allures d’une fête publique ; salve d’artillerie, musique, banquet, feu d’artifice.
A Rolle, les choses se passèrent moins naïvement, la fête eut le caractère franchement révolutionnaire. Le 15, des faits significatifs donnèrent à ces réjouissances une allure plutôt jacobine. Ce jour-là, des aristocrates comme M. de Bonstetten, bailli de Nyon, M. de Kirchberger, baron de Rolle, M. Desvignes seigneur de Givrins côtoyaient des patriotes, comme Amédée de la Harpe ou Durand de Lausanne. Après un tir à l’arc, un banquet suivi sur la promenade de Rolle. Des toasts y sont prononcés ainsi que des phrases élogieuses à l’adresse des révolutionnaires français résonnent aux oreilles des baillis et des aristocrates stupéfaits. Même des propos malséants sont adressés aux partisans des LL. EE. D’autres villes, encore célèbrent le 14 juillet ; à Moudon et à Bex on banqueta.
A Lausanne, on afficha des placards séditieux. Les bourgeois de Gimel refusèrent la dîme. Berne s’en émeut et le bruit courut que le Pays de Vaud était en pleine révolte. On craignait un mouvement général et le Conseil Secret envoya une commission dans le Pays de Vaud. Cette dernière avait les pleins pouvoirs et les arrestations, emprisonnements commencèrent. De nombreux patriotes prirent la fuite. L’occupation militaire bernoise fut décidée et le général d’Erlach, cantonné à Payerne marcha sur Lausanne. Le 16, il fit son entrée, au son du canon avec grand apparat. Ses officiers se conduisirent de façon insolente et le peuple garda longtemps souvenir de leur morgue insultante. En 1792, les troupes se retirèrent, mais les principales condamnations avaient étés prononcées :

Amédée de la Harpe, seigneur de Yens, fugitif, peine de mort ; Rosset et Muller de la Mothe, vingt-cinq ans de forteresses, Samuel de Marines, seigneur de Saint-Georges, six ans de la même peine, etc.

Berne s’était donc vengée, l’ordre régnait de nouveau dans le pays sujet. Les yeux maintenant se tournaient vers la France ; malgré tous les excès de la révolution, les massacres, les noyades, les crimes monstrueux qu’il faut accepter avec les bienfaits sociaux dont ils furent les sinistres parrains, refroidissaient l’enthousiasme vaudois. Après la journée du 10 août, dans laquelle les gardes suisses moururent glorieusement, l’indignation se manifesta sans mesure ; et quand revirent blessés et meurtris le débris de nos régiments échappés au massacre, un cri de haine secoua le pays.
D’ailleurs, ce sentiment était aussi celui de l’Europe entière lorsque en 1793, Louis XVI eut péri sur l’échafaud, les puissances se coalisèrent pour restaurer la monarchie en France et se venger du sang royal répandu. La nation française qui avait conquis des libertés auxquelles dix ans plus tôt, on n’eut pas osé songer, ne voulut point les perdre. Elle se leva aux accents formidables de la Marseillaise et demeura maîtresse du pays.
Pour un temps, car déjà se montrait un jeune homme qui devait étonner le moindre et avoir sur sa patrie et sur le nôtre une influence quasi surhumaine. Tandis que les Anglais étaient chassés de France, tandis que Kellerman jetait les Piémontais en dehors des Alpes, Bonaparte, à la tête de l’armée d’Italie (armée de la Révolution française), cueillant déjà les premiers fleurons de sa couronne impériale songeait sans doute à cette carte d’Europe qu’il referait bientôt à coup de batailles et de conquêtes.
Le Pays de Vaud, dans une paix profonde, donnait une large hospitalité aux émigrés fuyant la France. Mme de Staël et son père, M. Necker, ex-ministre de Louis XVI accueillaient en leur résidence du château de Coppet les victimes de la Terreur. Malgré tout, cette situation se transforma en instrument d’indépendance vaudoise. Car le Pays de Vaud avait besoin d’une force extérieure pour déterminer la révolte et obliger Berne à reculer. Ce fut l’invasion française – préméditée ou fortuite – qui réalisa cet acte après lequel le major Davel avait si longuement soupiré. Nous arrivons maintenant à l’aurore de notre liberté.

Pendaison de Louis XVI

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Mme Stael et sa fille

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