La migration des Helvètes

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C’est approximativement vers l’an 500 avant J.-C., les Helvètes occupent donc tout le plateau suisse, de Nyon à la Limmat. Leur principale bourgade, nom à ce moment-là : Lousanna (Vidy), Eburodunum (Yverdon), Minnodunum (Moudon), Noviodunum (Nyon), Vibiscus (Vevey). Le territoire helvète, qui, au dire du chef militaire et historiographe romain Jules César, possédait douze villes et quatre cent villages, était réparti entre quatre tribus dont les Turingiens ; leurs guerriers constituaient des corps d’armée distincts.

Ces quatre tribus étaient fédérées, et leurs chefs, qui se rencontraient périodiquement et prenaient les décisions intéressant l’ensemble de la nation. C’était comme une préfiguration de la structure fédérative essentielle à la Suisse moderne. Mais la société helvète n’avait rien d’égalitaire : elle comportait des nobles, des hommes libres, du menu peuple (plèbe) et des esclaves. Le peuple n’était pas composé d’agriculteurs, de bergers et de guerriers seulement, comme on le représente souvent ; les Helvètes étaient aussi des artisans et commerçants. Ils savaient la valeur de l’or, qu’ils extraient de leurs rivières pour le façonner en monnaie. Les voies fluviales les mettaient en relations d’affaires avec la Gaule et l’Italie, et pour l’écriture, ils étaient allés emprunter leur alphabet aux Grecs. Leur organisation politique et leur religion druidique les unissaient à la grande fédération des peuples gaulois.
Ils avaient à défendre continuellement leur frontière du Rhin contre les Germains, et vers 70 à 60 ans avant J.-C., une nouvelle poussée germanique vers l’Alsaceles-gaules-avant-romains et le Doubs suscita chez eux de la nervosité et de l’inquiétude.

Les Helvètes n’avaient point perdu leur humeur vagabonde ; ils rêvaient à des expéditions lointaines, à des aventures belliqueuses imprévues, à la conquête de pays avec un soleil peut-être plus clément, là-bas au sud.
Ces quatre tribus avaient pour voisins le long du Jura les Rauraques, les Séquanais ; dans la vallée du Rhône les Allobroges, les Nantuates et à l’est les Sédunois, dans la vallée du Tessin les Lépontins ; dans l’est de l’Helvétie, les Rétiens.
La plus remuante des tribus helvétiennes, celle des Tigurins, comptant 300’000 hommes et sous la conduite de Divico (note 1);, franchit le Jura et rencontra sur les bords de la Garonne, entre Toulouse et Bordeaux, les deux légions du consul Cassius Longus ; elle leur infligea une défaite demeurée célèbre sous le nom de bataille d’Agen (-107 av.J,C.), et contraignit les soldats romains à passer sous le Joug.
Accompagnés de hordes Cimbres barbares et toujours errants, les Helvètes passèrent les Alpes et rencontrèrent à Verseil dans la plaine du Po le général romain Marius qui les défit complètement en -101 avant J-C. Vainqueurs, les Romains s’établissent en Provence, soumettent les Allobroges – Savoie – et s’avancent jusqu’à Genève, voisinant ainsi de façon quelque peu menaçante avec les Helvètes.

Ces derniers n’étaient point revenus assagis du désastre de Verseil lors de leur campagne des Gaules que Divico rêvait encore de nouvelles entreprises ! De plus, quelques troupes rentrées saines et sauves n’avaient point perdu le souvenir de cette riante terre provençale, d’autre part, les Germains s’avançaient en conquérants, les Helvètes, obéissants à leur chef Orgétorix qui les excitaient à guerroyer. Pendant deux, ils préparèrent l’expédition tout en ayant conclu des alliances avec quelques chefs gaulois. Mais le départ était proche, Orgétorix, fut cité à comparaître devant l’assemblée des tribus. Se sentant coupable, et prévoyant la mort par le feu réservé aux dictateurs, il se suicida pour éviter une fin déshonorable.
La mort d’Orgétorix n’empêcha pas les tribus helvétiques d’accomplir leurs projets. L’heure étant venue de se mettre en marche, les Helvètes placent dans des chariots les vieillards, les femmes, les enfants et comme pour chasser à jamais de leur esprit tout pensée de retour, ils incendient villes et villages. Aux deux cent soixante-trois mille Helvètes, se joigne encore cent mille combattants de diverses peuplades, mais seul cent milles étaient aptes à combattre. Au printemps -60 avant J-C., ces hordes sont en route sur Genève.Siege-alesia-vercingetorix-jules-cesar Mais Jules-César arrive bientôt dans cette ville et il prend des mesures les plus énergiques et lorsque les envahisseurs parviennent devant la ville défendue par l’armée romaine, César avait rompu le Pont du Rhône que les Helvètes comptaient passer pour se rendre dans le Sud.
Déroutés, les émigrants traversent le Jura. Arrivés sur les bords de la Saône, ils voient leur arrière-garde anéantie par les Romains, et se décident à implorer César la permission de s’établir sur un territoire quelconque des Gaules. Le général accorde cette requête à condition qu’on lui livre les otages, mais le vieux Divico refuse avec indignation.
Ce fut naturellement le signal des hostilités et quinze jours plus tard, les Helvètes furent vaincus par César à Bibracte (Autun) en -58 av. J.C.. Nos ancêtres durent capituler et le général romain conclu la paix à condition que les vaincus, après avoir laissé les otages, retourneraient en Helvétie et reconstruiraient leurs villes et villages calcinés. 

César rapporte qu’environ cent dix mille hommes purent repasser je Jura et rentrer dans la patrie de leurs pères. Six ans plus tard, quand le chef gaulois Vercingétorix appela tous les peuples celtiques à unir leurs forces contre l’impérialisme romain, les Helvètes se soulevèrent et envoyèrent un contingent de huit mille hommes en Auvergne, au secours de la place forte d’Alésia, assiégée par César. Ce fut en vain : la Gaule entière subit une défaite face à l’armée romaine de Jules César en 52 av. J.-C. Par la suite, Auguste. Fils adoptif de César s’appliqua à ouvrir et à garantir les Communications transalpines. En 25 av. J.-C., il s’assura ainsi l’accès au Petit-St-Bernard. Dix ans plus tard (vers 15 av. J.-C., Tibere et Drusus, ses fils adoptifs, conquirent toutes les régions des Alpes centrales ainsi que les Préalpes jusqu’au Danube. De ce fait, le territoire de la Suisse actuelle fut entièrement intègré à l’Empire romain. Auguste fit commémorer ces victoires en 7/6 av. J.-C. par un grand monument, le Trophée des Alpes (encore visible à La Turbie près de Monaco), qui ne mentionne pas les Helvètes parmi les peuples vaincus, le Plateau suisse ayant été annexe pacifiquement.

Des guerres civiles éclatèrent en 68-70, la Civitas Helvetiorum ou Helvétie entra en conflit avec la XXIe légion, stationnée à Vindonissa (Windisch), puisque, ignorant la mort de Galba dont ils étaient les partisans, ils refusaient de se rallier à Vitellius que soutenait l’armée du Rhin. A cette occasion, les Helvètes subirent une lourde défaite et la destruction d’Avenches fut évitée de justesse.

Aventicum
Aventicum

En 71 après. J.-C, Vespasien, qui conservait des liens tout particuliers avec Avenches où son père et son fils Titus avaient vécu, éleva la ville au rang de colonie latine, désormais nommée « Colonia Pia Flavia Constans Emerita Helvetiorum Foederata », favorisant ainsi la romanisation de l’élite dirigeante helvète. II y installa probablement aussi des vétérans, cherchant ainsi à combler les pertes humaines de la guerre civile. Sur le plan administratif, la Civitas Helvetiorum tut tout d’abord rattachée à la province de Gaule Lyonnaise, puis à celle de Gaule Belgique, enfin à celle de Germanie supérieure, créée en 85 apr. J.-C.
Au Ier siècle, la bordure nord du Rhin est une zone frontalière, stratégiquement importante de l’empire romain: elle est occupée militairement et garnie de camps militaires permanents qui sont démantelés lors de l’extension maximale de l’empire au IIIe siècle, qui correspond à une période de prospérité économique et de développement pour la région. À cette même époque, le christianisme se répand progressivement sur le territoire avec l’apparition des premières églises entre 350 et 400.

Dès la fin du IIIe siècle, des incursions barbares des Alamans (ou Alémans) en Germanie puis sur le territoire suisse ramènent progressivement la frontière sur le Rhin, le long duquel les lignes défensives (forteresses et tours de guet) sont reconstruites. Progressivement, dès 401, les troupes romaines quittent le Rhin pour gagner le sud des Alpes, abandonnant ainsi définitivement le territoire de la Suisse aux Burgondes et aux Alamans ; deux peuples d’origine germanique.

 Dix leçons sur les Helvètes

Par G. Kaenel
Revue scientifique de
L’Université de Genève
Note 1:
Divico est né vers 130 av. J.C.  et mort après 58 av. J.-C., Il fut le chef des Tigurins, une des tribus composant la nation celte des Helvètes. À leur tête, il pénètre à la fin du IIe siècle av. J.-C. dans la province de Gaule narbonnaise, suivant les Cimbres, les Ambrons et les Teutons. Lors de la bataille d’Agen (-107), les Tigurins battent l’armée romaine dirigée par le consul Lucius Cassius. Ce dernier est tué dans la bataille.
Jules César écrit dans son ouvrage sur la Guerre des Gaules (I, 13-14) qu’à la migration de 58 av. J.-C., Divico est ambassadeur des Helvètes auprès de César, avant qu’ils ne soient battus lors de la bataille de Bibracte. Qu’il se soit agi du même Divico ne fait aucun doute pour César ; néanmoins cette identification a été parfois discutée.
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