1815-1840 -Misère et transformations du pays de Vaud

Température juillet 1815
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L’année de la misère – Mesures prises par le Conseil d’Etat – Charité, philanthropie – Code civil, régime communal, Pénitencier cantonal – Instruction publique : pension des régents – Lois sur la Presse – Organisation militaire – Travaux publics : routes – Bateaux à vapeur sur le Léman

La paix était rétablie à l’extérieur : la Confédération reconstituée sur des bases, en apparence solides, entrait dans une ère nouvelle où tout paraissait lui sourire. Partout, on aspirait à la quiétude et au repos, mais les années 1816 et 1817 ne devaient point encore apporter le bonheur dans notre pays. Elles ont laissé une trace profonde en la mémoire du peuple, ces années de souffrances (l’Année de la misère, de Victor Favrat), comme on les baptisa, années de disette, de froid, de cataclysme qui semblaient plus terribles encore que les jours de guerre, de feu et de sang.
L’hiver de 1815 à 1816 avait était long et rigoureux. La neige en plaine avec l’épaisseur de plus d’un mètre et la température demeurèrent infiniment rudes jusqu’en avril. Mais le froid fut alors remplacé par des pluies torrentielles qui retardèrent les travaux de la campagne et rendirent les récoltes des plus aléatoires. Puis, voici la neige, en plein mois de juin. Une année perdue, une année désastreuse. Le centre de l’Europe est en outre tourmenté par des tremblements de terre, des inondations, des éboulements. La mortalité atteint une proportion effrayante.
Et ce n’est que le commencement, le bétail est frappé lui aussi par le manque de fourrage. Le prix de l’orge, des pommes de terre coûte quatre fois plus. En juillet et août, la neige fait à nouveau son apparition sur les hauteurs, tandis que la hausse des denrées continue avec une rapidité terrifiante. Le pain commence à manquer, jusqu’à lors, les districts frontières s’étaient approvisionnés en France, mais ce pays commençait aussi à souffrir des mêmes calamités.
Il n’y a pas d’été en cette année 1816 ; neige en juillet, neige en août et de nouveau neige en octobre, début de l’hiver 1817. Les moissons étaient à peine commencées que les blés en furent recouverts de neige et gelèrent.
Le Conseil d’Etat, prévoyant les conséquences désastreuses de ce manque de vivre, invita les communes à souscrire pour faire venir du grain de l’étranger. Un généreux citoyen, M. Rivier de Renens prêta dans ce but trois cent mille francs au gouvernement… Ainsi, quatre-vingts milles quintaux de blé furent acheminés de Gêne et Marseille.
Le canton prit des mesures prohibitives et interdit de rien sortie du canton en grains, pains, farine, pommes de terre, etc. Une garde bourgeoise fut instituée qui eut la surveillance des villes frontières. Les communes firent cuire du pain à leurs frais et le revendirent à perte aux nécessiteux.
L’année 1817 fut aussi singulière du point de vue météorologique que l’année 1816 ; janvier assez doux permis de rentrer les récoltes qui étaient restées enfouies pendant l’hiver. Bientôt bourrasques de neige, gel contrarient tout ce travail et les denrées sont à un prix inabordable.
La misère est encore plus grande dans les petits cantons. Les habitants « dévorent » les mets les plus dégoûtants, des cadavres, des orties, des aliments qu’ils disputent aux animaux. Glaris était surtout éprouvé, mais la solidarité helvétique vint en aide. De tous côtés, des sociétés de secours se fondèrent pour distribuer des soins, des soupes économiques aux pauvres. Des personnes charitables rassemblaient tous les os qu’elles pouvaient trouver… et ces os étaient ensuite concassés et réduits en fine poudre ; laquelle, après cuisson de quatre heures donnait une soupe gélatineuse très nourrissante. Malgré ces actes charitables, la vie est quasi impossible.
Presque toutes les familles ont ramassé les premiers herbages dans les champs pour s’en nourrir. Les vignerons étaient dans une profonde misère, car il n’avait eu que peu de vin l’année précédente et ce qu’on avait récolté était très mauvais.
Enfin, au commencement de mai, le froment arrive en abondance d’Amérique, du Maroc et les prix commencent à fléchir. L’espérance renaît au cœur des paysans ; l’été et l’automne sont favorables à la culture, la baisse des prix s’affirme et l’année de la misère touche à sa fin.
L’administration vaudoise avait fait ses preuves d’intelligente prévoyance en achetant des blés et, débarrassée de toute quiétude quant à la vie matérielle du peuple, pu s’occuper des travaux législatifs.

Transformations du Pays

Le Code civil fut promulgué en 1821 et, deux ans plus tard, réglait le système des poids et mesures. Ces deux travaux eurent une influence bienfaisante sur les transactions juridiques et commerciales en établissant des règles définitives.
Les lois de 1815 et 1816 développèrent le régime communal en créant les Conseils généraux et les Conseils communaux : Elles fixèrent l’organisation de ce assemblées, leurs fonctions et leur compétence, consacrant en ouvre que le principe des biens communaux doit, tout d’abord, servir à l’intérêt général et non point à l’intérêt individuel.
Le gouvernement met à l’étude un projet de pénitencier. La commission des établissements de détention ne put s’en occuper avant 1820 ; les finances étaient alors en excellent état. Le gouvernement avait pu se libérer de la dette qu’elle avait contactée pour l’achat des blés étrangers et il restait un excédent provenant du remboursement effectué par l’Autriche pour les dépenses qu’avait occasionné le passage des troupes allemandes. La première pierre fut posée le 11 mars 1822 et durant le mois de mai 1816, le pénitencier put recevoir les premiers détenus. En 1827, s’ouvrit une maison de discipline spéciale pour garçons et jeunes filles mineurs. L’administration cantonale fit tout son possible pour que les prisons de district et de cercles fut améliorés sous les rapports de salubrité et de sûreté.
La loi de 1816 créa des pensions de retraite en faveur des régents que l’âge ou l’infirmité obligeaient de renoncer à leur fonction. Nous mentionnerons encore l’installation, en 1826, de l’orphelinat de Lausanne succédant aux anciennes écoles de charité et la création en 1827, de l’asile rural d’Echichens, fondé pour combattre la déplorable coutume, usitée dans les campagnes, de miser les enfants pauvres

En 1804, le Petit Conseil rendit un arrêté qui interdisait la publication d’aucune gazette sans l’autorisation de cette autorité. Cet arrêté fut maintenu jusqu’en 1822, année où le Conseil d’Etat présenta au Grand Conseil un projet de loi qui soumettait à la censure toute autre personne que les Vaudois.
L’imprimeur convaincu et condamné une troisième fois d’avoir imprimé un écrit provoquant au crime ou au délit, voyait ses presses brisées et il était déclaré incapable d’exercer. La définition de la diffamation et de l’injure était celle des lois françaises de 1819. Le Directoire fédéral fit connaître aux gouvernements cantonaux que des plaintes s’étaient élevés contre l’esprit de certains écrits politiques publiés en Suisse, et demanda qu’il fût pris des mesures. La loi de 1822 fut suspendue et la remplaça jusqu’en 1824 par une censure ayant les pleins  pouvoirs ; ceux-ci furent renouvelés jusqu’en 1828. Dès lors, ils cessèrent et la loi de 1822 rentra en exercice. Malgré cela, le Conseil d’Etat, pas plus que le Grand Conseil n’était sympathiques à la presse.

Soldat suisse
Soldat suisse

Mercenaires  
L’organisation militaire ne fut pas modifiée de 1815 à 1830. Cette période vit encore des soldats vaudois s’enrôler officiellement pour le service du roi de France. En 1816, la plupart des cantons conclurent avec Louis XVIII une nouvelle capitulation militaire pour le terme de vingt-cinq ans. Le canton de Vaud s’associa à ceux d’Argovie, des Grisons et du Tessin, pour la formation d’un régiment de ligne de deux mille hommes, qui devint le quatrième régiment suisse, et auquel chacun des quatre cantons fournit un bataillon,  outre trois compagnies pour les régiments de garde.
La révolution de juillet 1830 à Paris – pendant laquelle les Suisses firent héroïquement leur devoir – mis fin à cette capitulation pour laquelle le canton de Vaud, en quatorze ans, avait fourni près de trois mille hommes.


 Routes et Navigation

Un peu partout de grands travaux d’utilité publique s’exécutaient. Le canal de la Linth, les routes alpestres du Splugen, du Bernardin, du Gothard furent établis à cette époque. Dans le canton de Vaud, aussi longtemps que les routes de terre étaient mal entretenues, on leur préférait souvent les voies navigables pour les transports à longue distance.
Ainsi, plutôt, que de s’acheminer par la voie de terre depuis Bienne, les convois de marchandises empruntaient fréquemment le canal d’Entreroches, les lacs de Neuchâtel et de Bienne, puis le cours de l’Aar pour gagner Koblenz.

Le premier bateau à vapeur suisse, lancé sur le Léman le 28 juin 1823, commença son service régulier le mois suivant. Il fut suivi de deux autres en 1824 et 1825. Trois ans plus tard, le même moyen de transport faisait son apparition sur le lac de Neuchâtel. (source : Muyden, 1890).
Histoire de la CGN

Pour remédier le mauvais état des routes, le gouvernement vaudois consacra entre 1812 et 1830 une montant de 2’930’884 frs à la réfection, l’amélioration et la reconstruction de 105 lieues de route, indépendant des ponts remarquables qu’il fit élever en plusieurs endroits. Un ancien secrétaire du Grand Conseil écrivait en 1831 « Le canton de Vaud est aujourd’hui comme l’un des pays de l’Europe où les routes sont les plus belles et les mieux soignées »… (Source : Chavannes, 1831, pp.69 ss.).

 

 
 
En un mot, si sur certains points – instruction, presse, liberté des cultes – le gouvernement vaudois de 1815 à 1830 en fut guère progressiste, au contraire, sur d’autres, il se montra résolument à la hauteur de sa tâche. Les transformations du pays qui, aujourd’hui, ne nous frappent guère, en faveur de la prospérité de ses ressortissants. Au contraire des baillis qui étaient plus soucieux de toucher les dîmes que d’organiser les bailliages.
 
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