1360 – 1465 Amédée VII & VIII- Othon de Grandson

Maison de Savoie
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Amédée VII, dit le comte rouge – Révolte en Valais – Pillage de Sion par les troupes de Savoie – Nouvelle charte accordée au Pays de Vaud – Amédée VIII – Othon de Grandson et Gérard d’Estavayer – Le jugement de Dieu – Duel et mort d’Othon de Grandson – Othon poète – La Maison de Savoie grandit en importance – Les conciles de Constance et de Bâle – Amédée VIII de Savoie est élu pape sous le nom de Félix V – Deux papes : Eugène IV et Félix V – Renonciation de Félix – Déchéance de la maison de Savoie – Jacques, comte de Romont et de Vaud – Minorité de Philibert.

Amédée VII
Amédée VII
Sous Amédée VII, dit le comte rouge (1360-1391), la situation reste la même ; d’un côté un prince presque toujours en guerre pour un quelconque de ses alliés ; de l’autre, les nobles de Vaud prenant une part active à ces campagnes désastreuses, et les villes, les communes, luttant toujours avec plus d’énergie,  des prestations supplémentaires, qui, une fois accordées, eussent fourni autant de précédents fâcheux pour l’avenir.
Ainsi, au début du règne d’Amédée VII – celui-ci combattant en Flandre dans l’armée de Charles VI – les Valaisans se révoltèrent de nouveau contre leur évêque et l’expulsèrent. Ils avaient même fait une irruption dans le Chablais. A la nouvelle de cette belliqueuse entreprise, le comte revient dans ses états et ordonne à François de Pontverre, seigneur d’Aigrement, de lever trois cents fantassins dans les communautés vaudoises pour marcher sur Sion. Mais les communautés ne répondirent pas immédiatement à l’appel du comte et ce fut dans cette circonstance que l’on vit pour la première fois les villes de Vaud entrer en conférence et avoir des journées, soit des diètes, pour tenir conseil au sujet des demandes de troupes que le comte de Savoir leur adressait.
Et les villes discutèrent longuement avant d’accorder ou de refuser le service de leurs hommes pendant une période de trois semaines. Certes, les seigneurs romands durent se réjouir en constatant cette résistance, eux qui avaient vu de si mauvais œil, l’octroi de franchies par la maison de Savoie. La féodalité, maintenant, était bien morte, tuée par ces bourgeoisies que les Zaeringen avaient créées et que Pierre de Savoie s’était plus à voir grandir. Et, d’autre part, il fallait que ces communautés vaudoises se sentissent vraiment fortes pour opposer ainsi au désir, à l’ordre de leur suzerain, la lettre et l’esprit de leurs privilèges.
Nous n’entrerons pas dans le détail de cette expédition du Valais, qui, comme les précédentes, se termina, – grâce d’ailleurs aux troupes vaudois et au courage d’Humbert de Collombier, bailli de Vaud – par la défaite des Valaisans et le pillage de Sion qui fut, après mise à sac, consciencieusement incendiée : « n’y restait pas un toit, ni une maison qui ne fut pas brûlée ».
Les Valaisans conclurent la paix le 21 août 1384, à des conditions très dures.

Cette expédition ne fut pas la dernière qu’Amédée VII eut dirigée en Valais. Cinq ans plus, tard, en 1389, il dut encore réinstaller sur le siège épiscopal Humbert de Billens que les Valaisans allemands ne voulaient pas tolérer, préférant Guillaume de Rarogne, nommé par Jean XXIII tandis que Humbert tenait sa mitre de Clément VII : ces deux papes se disputaient alors le trône pontifical. Mais cette nouvelle campagne ne laissa pas d’inquiéter les communautés vaudoises, qui voyaient ces chevauchées militaires non prévues par leurs et franchises. Derechef, le comte de Savoie se vit obligé, pour rassurer les villes de Vaud, de publier en 1391, une charte par laquelle il reconnaissait absolument leurs précédents privilèges, quant au service militaire et « confessait » que les soldats envoyés par les communautés vaudoises pendant ces deux campagnes du Valais, avaient été accordés « de grâce spéciale » et non point comme un dû.

En cette même année, le comte se trouvant à Thonon chassait près de Ripaille, il fit une chute de cheval et si malheureuse que, quinze jours plus tard, il mourait après avoir institué son fils unique, Amédée, son hériter universel (1391). Comme témoin du testament, on remarquait le fils de Guillaume de Grandson, ce sympathique Othon dont nous aurons bientôt l’occasion de plus longuement parler. 

Amédée – Othon / Gérard – Le Duel
Amédée VIII n’était âgé que de huit ans. Une longue minorité s’ouvrait dans le gouvernement de Savoie et l’on sait que les compétitions naissent nombreuses lorsque le trône, mal gardé par des tuteurs trop faibles ou peu scrupuleux, parait aux yeux des ambitions surexcitées une proie facile et profitable. Les communautés vaudoises s’effrayèrent, elles aussi, d’un état de choses qui laissait prévoir une anarchie prochaine et, les Etats de Savoie s’étant réunis pour accorder la régence à l’une des deux princesses qui déjà se la disputaient Bonne de Bourbon, aïeule du prince et Bonne de Berri, sa mère – elles envoyèrent des députés à Chambéry. Ce fut l’aïeule qui obtint le gouvernement intérimaire. Mais ce gouvernement, dès ses débuts, ne fut point heureux ; l’influence étrangère se fit sentir au sein des conseils, l’anarchie, le désordre, les querelles, les rancunes bouleversèrent bientôt la Savoie et, particulièrement le Pays de Vaud où le bruit se répandit, calomnie bientôt grandissante et terrible, que le comte Amédée VII était mort empoisonné par le médecin de sire Othon de Grandson, un des gentilshommes les plus en renom du Pays. Le pharmacien, mis à la torture, avoua, sans doute inconsciemment, ce forfait imaginaire ; son corps, coupé en morceaux, fut salé par le bourreau. Le médecin, lui-même, soumis à la question, accusa Bonne de Bourbon d’avoir comploté la mort de son fils. Othon de Grandson III fut considéré comme complice et la Savoie se vit partagée en deux camps, l’un formé des partisans du gentilhomme vaudois, l’autre, plus nombreux, hélas ! formé de ses accusateurs. Othon se vit obligé de fuir pour échapper aux embûches : il se retira d’abord en France, puis en Angleterre, tandis que la régente de Savoie – que l’opinion maligne désignait cependant comme l’inspiratrice du meurtrier – saisissait ses terres d’Aubonne et de Coppet et les vendait à Rodolphe de Gruyère, seigneur de Vaugrenant plus implacable, que l’opinion publique même l’attendait pour le mettre à mal. Ici, se place, comme une vieille aventure sanglante de ces temps à la fois chevaleresques et barbares, un page de roman, un lied d’amour. En son jeune âge – il avait vingt-trois ans – le sire de Grandson s’était passionnément enamouré d’une fort belle jeune fille, Catherine de Belp, qui l’avait agréé pour époux; mais après une succession de péripéties, la belle Catherine dut faillir à sa foi et devenir la
Duel Othon - Gérard
Duel Othon – Gérard
femme de Gérard d’Estavayer. La tradition veut qu’elle n’ait point renoncé à l’affection d’Othon de Grandson et que, femme mariée, elle l’ai accueilli très favorablement. « Gérard le sut, dit Jean Muller, cependant il ne voulut ni relever la honte de sa maison, ni répudier sa femme, héritière de l’opulente maison de Belp. Il se tut, et nourrit son ressentiment dans son cœur ».
Quoi qu’il en soit des causes que suscitèrent la haine de Gérard, celle-ci fut impitoyable et bientôt, Othon voyant grandir autour de lui la colère menaçante du peuple, dut accepter – lui, un vieillard – le jugement de Dieu par un duel qui eut lieu, d’après les ordres d’Amédée VIII, à peine âgé de quatorze ans, le 1 août 1397, à Bourg en Bresse. « Dès la veille, les deux champions parurent, entourés de nombreux adhérents. La ville de Bourg pouvait à peine contenir la fière noblesse du Pays de Vaud et des Etats de Savoie. Cette noblesse encombrait les abords de la lice ; elle était divisée en deux factions, chacune prête à soutenir par les armes Grandson ou Estavayer, et il fallut toute la prudence du maréchal de Savoie pour prévenir un conflit. Bientôt les juges du combat prirent place. Grandson, malade aurait pu s’excuser, mais son honneur ne le permit pas. Le signal fut donné ; les deux champions s’élancèrent de toute vitesse de leurs coursiers, et Othon de Grandson – ainsi le voulut Dieu (selon verdeil), tomba mort.

La Maison de Savoie, naturellement, s’empara des biens du sire de Grandson; quelque temps plus tard, le sire de Cossonay était Sires de Cossonaymort, elle accapara, au préjudice des héritiers, trente seigneuries possédées par cette famille. Amédée VIII, que l’empereur avait fait duc, confirmait cependant les franchises de quelques villes et fondait plusieurs monastères. Au début de son règne, il agrandit encore ses terres par l’acquisition de différents domaines. Moins belliqueux que ses ancêtres, ses efforts furent plutôt diplomatiques que guerriers ; cependant, il prit les armes pour soutenir quelques-uns de ses alliés et, comme toujours, les hommes de Vaud suivirent leur suzerain en Valais, en Italie (1426-1427), dans le Dauphiné.
Cependant, la politique européenne allait donner au duc de Savoie une importance absolument imprévue. Un schisme divisait l’Eglise et trois papes se disputaient le Saint-Siège, un régnait à Avignon, l’autre à Rome et le troisième fraîchement élu en Espagne. Mais les cardinaux déposent les trois pontifes et nomment à leur place Alexandre V. Remède pire que le mal, les papes dépossédés ne voulant point abandonner la tiare. Un concile fut alors convoqué à Constance sous la présidence de Sigismond, empereur d’Allemagne. Ce concile, après avoir condamné à mort et brûlé Jean Huss de Prague, réformateur avant la réforme, nomme comme pape Martin V et rétablit ainsi l’unité de l’Eglise.
La mort de Jean Huss et son disciple, Jérôme de Prague, eut pour résultat l’insurrection du peuple bohème. Une terrible guerre, dite des Hussites, s’en suivit, à laquelle Amédée VIII prit part avec des hommes levés en ses Etats (1423). Amédée VIII mourut à Genève en 1451.


Amédée IX
Amédée IX

Nous approchons, sans nous douter peut-être, de la chute définitive de cette Maison de Savoie qui, cependant nous paraître solidement assise, si l’on considère la superficie territoriale sur laquelle elle règne.
Le fils aîné d’Amédée, Louis, auquel le duc avait remis la lieutenance générale de ses Etats, lui succéda sur le trône. Prince faible, il se laissa entièrement dominer par sa femme, Anne de Lussignan et quelques favoris. Pour entretenir une cour somptueuse, cette princesse dilapida le trésor de l’Etat et elle eut mené le pays à la ruine, si les Etats de Vaud n’eussent protesté. Son fils Amédée IX venait d’épouser Yolande, sœur du dauphin de France (plus tard Louis XI), déjà célèbre depuis la bataille de Saint Jacques (1444). Afin de doter richement le fiancé, le duc Louis lui remit en apanage les seigneuries de Bresse et celles du Pays de Vaud. Les députés des villes et des communes durent, selon l’usager, prêter serment de fidélité au nouveau prince à Moudon en 1456.
A la mort du duc Louis, Amédée prenant possession des Etats de Savoie, donna à Jacques, son frère le Pays de Vaud avec le titre de comte de Romont et de baron de Vaud.
Ce Jacques fut, sinon la cause, du moins un des instruments qui provoquèrent les guerres de Bourgogne, dont nous allons parler et qui furent si terriblement désastreuses pour nos ancêtres. Amédée IX mourut en 1472 et cette mort provoqua dans la maison de Savoie, au sujet de l’héritage, de nouvelles querelles. Le fils du défunt, Philibert, n’avait que six ans. Sa mère Yolande voulut régner pendant la minorité de l’enfant et cette prétention allait susciter une guerre civile, lorsque les états généraux jugèrent le différend en accordant à la duchesse la régence qu’elle désirait. Cette décision mécontenta le comte de Romont qui s’en fut guerroyer dans l’armée du duc de Bourgogne.

Lien vers Datations sur la Maison de Savoie

Othon de Grandson poète
Ne délaissons pas cette mystérieuse figure sans ajouter qu’Othon III de Grandson fut un poète, un délicieux poète qui peut être considéré comme l’initiateur de notre littérature romande ; ses aimables et sincères rondels sont pleins de grâce attendrie et d’une délicate émotion :

Adieu, jeunesse, ma mie, 
De vous me faut départir,
Mais de votre druerie
Me lairez le souvenir,
Et mon cœur pour reverdiz.
Un joli rais de folie
Adieu, jeunesse, ma mie.

Ainsi chantait-il peu de temps, peut-être, avant le sinistre combat.

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